dimanche 11 mars 2007

Le clivage droite-gauche face à François Bayrou

Ainsi, François Bayrou serait à égalité avec Ségolène Royal. Du moins, ce sont les sondages qui le mesurent, ce que les soutiens de la présidente de la région Poitou-Charrentes ont beau jeu de dénoncer après s'en être abondamment servi lors des primaires internes au PS. Ainsi, la « gauche » serait au niveau le plus bas depuis 1969, où elle n'atteint pas le second tour.

J'ai déjà eu l'occasion de discuter sur la toile, par exemple en réponse à un article de Jules sur Diner's room, de la signification du vote Bayrou. La tournure de la discussion était plutôt de reconnaître les effets positifs que pourrait entraîner l'accession du candidat centriste à l'Elysée, en ce sens qu'il introduirait des modifications institutionnelles capable de diversifier la présence à l'assemblée nationale, et serait à même de perturber la routine de l'alternance droite-gauche.

Perturber la structuration du débat politique autour du clivage droite gauche, c'est d'ailleurs ce que beaucoup, à gauche, tiennent pour hérésie. On a déjà dénoncé sur ce blog une façon particulièrement grossière de s'y prendre, celle de Jack Lang. Mais parlons du fond : brouiller le clivage droite-gauche, est-ce vraiment si mal ?

Pour des gens comme mon ami Sylvain, ou comme Laurent Fabius (qui n'est pas mon ami) : oui, sans hésiter. Sous-jacent : le clivage droite-gauche devrait irriguer notre vie politique car il correspond à une catégorie pérenne, immuable, du politique : si l'opposition n'est pas assez claire, assez frontale, la différence gauche-droite se brouille. Autrement dit, depuis toujours et jusqu'à la fin des temps, il n'y a que deux grandes forces politiques, et s'il existe des courants ou des nuances à l'intérieur de ceux-ci, les désaccords qui en résultent sont tenus pour secondaires comparé à l'antagonisme droite-gauche. Comme le remarque René Raymond dans son magistral Les droites en France, ceux qui imaginent des complications supplémentaires sont immédiatement "soupçonnés d'obéir à des arrières pensées politiques, de chercher à brouiller les cartes en dissimulant l'enjeu et la signification de la seule lutte qui compte : inutiles pour la compréhension de la politique, ces complications sont de surcroît nuisibles". On rejoint ainsi le thème, éculé mais toujours vivace, de la compromission : celui qui sort de la caverne du clivage droite-gauche est un traître, en tout cas pas un homme de gauche. Ainsi, une dénonciation de type Clémentine Autain ne fait que répéter ce que disait déjà Alain dans les années 20 : « lorsqu'on me demande si la coupure entre partis de droite et de gauche, entre hommes de droite et hommes de gauche, a encore un sens, la première idée qui me vient est que l'homme qui me pose cette question n'est certainement pas un homme de gauche ». On lui signalera que, depuis, il y a eu Raymond Aron, qui ouvre par cette citation son Opium des Intellectuels, mais je ne mettrais pas ma main au feu que Clémentine Autain en ait fait son livre de chevet...

Or s'il est chose certaine, c'est que le clivage droite-gauche est au contraire un produit historique, mouvant. Telles notions furent de gauche, et sont maintenant de droite ; et vice-versa. Certaines ont même cheminées, tout au long de notre histoire, entre les différents courants des droites et des gauches, sans vraiment se fixer. L'idée de nation, autre fois de gauche, puis de droite sous couvert d'autorité et d'ordre moral tandis que se développait une construction internationaliste du socialisme, puis de retour à gauche pendant l'entre deux guerre alors qu'une partie de la droite semblait subissait la trouble attraction des courants fascistes, de retour à droite avec De Gaulle, incarnée parallèlement avec un cocardisme très appuyé par le Parti communiste, etc. On pourrait faire pareil avec le libéralisme, la construction européenne, etc. Tout n'est donc pas si simple : s'il y a une droite et une gauche, elle ne sont pas immuables, et elle ne constituent pas forcément le clivage de référence.

Il y a donc une forme de facilité à se référer sans cesse à un clivage largement mythifié afin de résumer, de simplifier tout débat politique. Il y a même une forme de supercherie, qui confine à un comportement de type rentier : en s'exonérant du débat, une partie de la gauche escompte une rente électorale, celle des personnes se définissant comme de gauche. Car il est sûr qu'un homme de gauche aura du mal à voter pour une parti « de droite », ce qui équivaudrait à trahir son identité de gauche. Celle-ci se serait développée à travers une convergence, idéologiquement assez absurde pour qui a lu Marx, entre le clivage droite-gauche issu de la Révolution et celui sur lequel se base le marxisme.

René Raymond encore : « le ralliement du marxisme à la démocratie parlementaire a progressivement rendu possible une superposition puis une identification de l'opposition des forces sociales à celle des forces politiques: la lutte des classes s'est comme coulée dans le moule classique de l'opposition droite-gauche ». Cette magnifique manoeuvre politique, à mettre à l'actif de François Mitterand, a bien permi la création d'une rente électorale pour le Parti socialiste. Elle est utile pour l'accession au pouvoir. tant que le clivage droite-gauche est intériorisé par bon nombre d'électeurs. Or nous assiterions aujourd'hui à la fin de cette rente : en 2002, les classes populaires désertent le PS, qui est éliminé. En 2007, les très décriés bobos seraient sur le point de rejoindre Bayrou. Dans ce cas, à part chercher à préserver la rente en appelant à une opposition frontale, comme le fait Laurent Fabius, que le PS peut-il faire ?

On pourrait imaginer que l'émergence de Bayrou amène la gauche à dépasser ce clivage simplificateur. Et notamment, puisque Bayrou représente fondamentalement une tendance démocrate-chrétienne, libérale, européenne, cela pourrait – on peut rêver – forcer le PS à se positionner par rapport à la question du libéralisme. Car c'est bien le rapport entre socialisme et libéralisme, entre socialisme et ambition révolutionnaire, entre socialisme et économie de marché, qui est le grand tabou du PS, celui qui n'a été réglé ni à Dijon en 2003, ni au Mans en 2005. C'est celui qui a irrigué la division du PS au moment du référendum sur le TCE. C'est celui autour duquel sevrait s'articuler l'agiornamento qu'une partie du PS appelle de ses voeux. Une défaite de la gauche face à un centrisme décomplexé obligerait le PS à se poser ces questions, et il apparaîtrait que la candidature de DSK aurait eu plus de chance de fédérer, ce qui pourrait ouvrir la voie à une direction de type social-démocrate.

Ce scénario nécessite néanmoins un ingrédient qui me semble absent : il faudrait que Bayrou incarne véritablement ce centrisme libéral et européen, afin que les raisons d'une éventuelle défaite du PS soient immédiatement et indiscutablement identifiables. Or l'attrait pour le candidat centriste ne vient-il pas plutôt de son côté anti-système, de sa dénonciation (au demeurant fondée) des liens capitalistiques entre médais et groupes vivant de commandes publiques, d'un idylle largemenet mythifiée (le PS n'a pas le monopole des mythes !) avec les enseignants ? D'où l'analyse, souvent entendue dernièrement (), que Bayrou serait le candidat du statu quo, de la préservation des corporatismes, etc.

En d'autres termes, si Bayrou devait défintivement s'éloigner d'un libéralisme de type démocrate-chrétien pour ne plus incarner qu'un rejet de type poujadiste du système, elle y perdrait une grande part de sa force théorique. En ce sens, la proposition faite par FB pour les législatives ne prête guère à l'optimisme : une majorité présidentielle qui ne serait que l'agrégation hétéroclite de candidats Bayrou-compatibles, sans accord assumé autour d'un véritable corpus idéologique, ne constituerait qu'une alliance de circonstance, un nouveau Comité de Salut public. Une modification durable nécessite au contraire l'émergence de forces politiques assumées, stables, et idéologiquement cohérentes, débattant de leurs divergences devant la représentation nationale plutôt que dans les alcoves de leurs partis. Il est possible qu'une victoire de Bayrou amène ce type de recomposition.
Ce n'est pas probable...

14 commentaires:

Anonyme a dit…

On reproche souvent à Francois Bayrou un certain flou sur son programme, sa posture, ses volontés, qu'en est-il du flou qui entoure ces termes : "brouiller le clivage droite-gauche" voire pire, "le clivage droite-gauche devrait irriguer notre vie politique" ? Il s'agit d'une jolie figure de rhétorique qui substitue à "Pouvoir-Opposition" les termes "droite-gauche". En France, il y a d'autres oppositions que la gauche à la droite, notamment l'extrème droite, et lorsqu'on l'oublie, il sait se rappeler à notre bon souvenir.

Les extrèmes sont devenus l'opposition, à gauche de la gauche l'opposition à l'économie de marché, à droite de la droite l'opposition à l'immigration mais aussi aux pertes de pouvoir décisionnel de nos intitutions: les souverainistes. Dans les deux cas leur présence aux débats est indipensable. Car la gauche "simple", le PS, et la droite "simple", l'UMP, se retrouvent aisément sur l'ensemble des points de politique intérieure (hors code du travail, mais c'est un détail au regard de la quantité de problèmes dont souffre la France) et même extérieure (si l'on fait abstraction de l'horrible position de Ségolène sur le nucléaire civil iranien, qui nous a tous choqué lors des débats aux primaires).

Par ailleurs, point de clarification : Bayrou représente une droite sociale-démocrate et non démocrate chrétienne, on l'amène souvent sur ce terrain, il souligne clairement sa laïcité au cours de cette campagne, et ne veut plus qu'on mélange religion et politique.

Si DSK devait être amené à défendre une direction de type social-démocrate, je ferais probablement parti de ceux qui reviendraient à un vote PS (et non, je ne suis pas un bobo!), cependant, il faudra assumer que s'orienter vers le modèle dit "social-démocrate" c'est batailler sur les terres du libéralisme et de fait récupérer ces vrai-fausses voix de droite-gauche que Bayrou a "volées" au PS.

Résumer Bayrou à son combat contre les média complaisant (je n'ai jamais entendu parlé de cette idylle gauche/enseignant, qui s'avère actuellement faux http://www.lemonde.fr/web/article/0,1-0@2-823448,36-877071@51-861150,0.html , auriez-vous un lien à ce sujet ?) est particulièrement simpliste. Son programme est en ligne depuis longtemps sur son site http://www.bayrou.fr/propositions/ si je me souviens bien.

Puis ce "Bayrou Poujadiste"... le mot est lâché, Bayrou devient pire que Le Pen... Quel non-sens à l'heure des petites phrases que personne ne peut contester de Ségolène Royal à Villepinte, "Je le veux parce que vous le voulez", "Le croyez-vous ? - oui. Le voulez-vous ? - oui. Alors je le veux et le crois avec vous.", ensuite à Rennes, "Mon équipe de campagne c'est vous.", ou bien il y a plus longtemps sur l'adhésion de la Turquie : "Mon opinion sera celle des Francais". Par ailleurs rien n'empêche Sarkozy d'avoir le même type de propos populistes du genre "il faut que les enfants qui veulent étudier puissent le faire"... incontestable.
Alors de quel poujadisme accusez-vous Francois Bayrou ici ? son populisme ? son corporatisme ? sa démagogie ? Quel individu populiste ou démago irait attaquer de front et à deux reprises la présentatrice JT la plus regardée de France ?

Son seul "travers"de type Poujadiste serait clairement son soutien aux petites entreprises (et de fait aux commercants et artisans) via l'allègement des charges de 2 nouveaux emplois. Mais son soutien irréprochable à l'Europe le disqualifie de facto de toute forme de poujadisme.

Pour finir au sujet des législatives, Ségolène Royal ou Nicolas Sarkozy, qu'amèneront-ils aux élections si ce n'est des Ségo-Sarko-compatibles... Sur le fond, les gaullistes se retrouvent-ils en Sarkozy ? Sûrement pas, et il y a fort à parier que le soutien de Dominique de Villepin et Jacques Chirac va coûter cher au candidat UMP (on a vite oublié Clearstream à mon goût comme j'ai aimé le rappelé dans le billet de jules http://dinersroom.free.fr/index.php?2007/03/06/383-de-la-discrete-utilite-du-vote-bayrou#c3912 ), d'un autre côté, le PS a perdu un éléphant dans sa course aux législatives, excusez-moi du peu, mais l'ami Georges Frêche va sans aucun doute faire sentir son départ au sein de sa forte corporation du Languedoc-Roussillon (une terre où l'on se bat durement contre le FN...)

Je suis cependant d'accord avec vous, il est temps pour le PS de prendre position sur le libéralisme et de cesser le grand écart entre le libéral socialiste DSK et les Montebourg/Fabius/Emmanuelli (tous des gens très appréciables et respectables, mais aux méthodes politiques définitivement différentes).

Au plaisir de vous relire,

--
Frastealb

Anonyme a dit…

Frastealb,

Si vous pensez que j'accuse Bayrou de poujadisme ou que je pense que le clivage droite-gauche doive être l'alpha et l'omega de toute typologie politique, vous m'avez mal lu, ou du moins je me suis mal fais comprendre. Dans ce billet, je développe l'idée que Bayrou force à envisager autre chose que le clivage droite-gauche, ce que je trouve plutôt positif. Ce n'est pas moi qui ait parlé d'opposition frontale, c'est Laurent Fabius. Et j'aurais plutôt tendance à penser comme une perversion de la démocratie les comportements rentiers des partis dominants.

Quant au mot de poujadisme, en relisant, c'est vrai que mon utilisation en est ambigüe, donc je précise : c'est une accusation que j'ai entendue réitérée à plusieurs reprises dans des cercles "de gauche", mais à laquelle je ne souscris pas, mais par rapport à laquelle je me positionne. Ce que je souhaite, c'est justement que Bayrou puisse proposer une autre identité politique, et pas juste une dénonciation du système (qui pourrait s'apparenter, par certains traits restant à préciser, au poujadisme). Sur le fond, je pense juste que ce n'est pas l'élément qui domine dans l'élan dont il bénéficie aujourd'hui.

Enfin, je n'ai pas le temps de répondre plus longuement maintenant sur la démocratie chrétienne, mais j'aurais tendance à ne pas vous suivre : l'UDF n'a jamais fait mystère, même sous Bayrou, de son appartenance à cette tendance politique. cela mérite d'être discuté plus amplement, plus tard

Anonyme a dit…

Bayrou a aimé Chirac hier : mauvais signe...

Anonyme a dit…

@anonyme :
- Vous avez effectivement mal lu la note de ce socio-traitre ;o) de Cadence-Rompue ..
- Avoir comme opposition les extrêmes c'est un peu dangereux ! .. on n'a pas le droit à l'erreur. si par Malheur, Bayrou est élu et arrive à former un "gouvernement d'union national", cela à intérêt à marcher nickel sinon ...
- Les souverainistes et les opposés à trop d'économie de marché .. ne se trouvent pas qu'aux extrêmes, mais en plein dans les partis politiques. Idem pour l'opposition à l'immigration (Cf UMP).
- Le PS et l'UMP ne se retrouvent absolument pas sur l'ISF, la TVA, l'immigration, l'écologie, la justice, les droits civiques, l'europe, edf ..etc .. : Lisez les programmes respectifs, vous verrez qu'un fossé existe entre les deux sur de nombreux sujets.
- Etre "Poujadiste" ce n'est pas être fils spirituel de Poujade. Chaque candidat à une dose de poujadisme. Bayrou lorsqu'il dit "Droite=Gauche" fait effectivement du Poujadisme ou de la démagogie si vous préférez.
- Les candidats PS aux législatives sont déjà désignés (avant le choix du candidat socialiste). Ils sont loin d'être tous des Ségo-compatibles ... en cas de victoire de la gauche, ce seront des députés exigeants et non pas de simple "entérineur"

Je réagirais aux contenus de la note de Cadence-Rompue demain ;o)

Anonyme a dit…

Salutations,

Les extrèmes dans l'opposition, ca n'a rien de dangereux, par pitié, sortons de cette dictature de la pensée unique... Les partis extrémistes en France ne sont pas avec des chars ou des piques devant les institutions de notre pays, que je sache... J'ai hâte de les voir gouverner sans efficacité probablement, dans un parlement qui représente les francais proportionnellement.

Effectivement sur les souverainistes, on en trouve au coeur des deux grands partis, il s'agit précisément de ceux qu'on n'a cessé de faire taire ou de dénigrer (NDA pour l'UMP, Fabius, etc.).

Pour les programmes, vous parlez de fossé, ou dites qu'ils ne se retrouvent pas... Je me demande où sont vos sources, prenons quelques exemples :
L'ISF ne fait pas parti du programme du PS.
Quant à la position de Nicolas Sarkozy elle ne concerne que :
"la situation des ménages qui paient l’ISF au titre de leur résidence principale, alors qu’ils n’ont pas de « fortune », explorer la piste de l’exonération totale ou partielle de la résidence principale."
"Déduire de l'ISF jusqu'à 50.000 euros lorsqu'ils sont investis dans des PME qui continuent de rencontrer des difficultés d'accès aux capitaux nécessaires au financement de leurs projets, quelque soit ces entreprises."


Ls propositions de l'UMP ne concerne vraiment qu'une infime tranche des contributeurs de l'ISF, et probablement ceux qui mérite le moins de le payer (vrai pauvres, et vrai contributeur à la croissance du pays...). Ayons un minimum de sens critique lorsque l'on lit les programmes, y compris de nos "ennemis politiques".

Concernant la TVA... je ne me rappelle pas avoir vu mentionnée la TVA dans aucun programme (sauf peut-être une obscure mesure, la 62, pour l'écologie de Ségolène Royal...), et pour cause, c'est l'Europe qui décide (on l'a vu récemment encore), pour l'immigration, il est vrai que Ségo propose du Sarko-light, elle veut revenir sur les lois sarkozy, mais en lieu et place y mettre une immigration tout aussi choisie car soumise à "la possession ou la promesse d'un contrat de travail.", rien de neuf sous le soleil. Certes il y a des belles paroles : "Moratoire et renégociation européenne concernant le concept de pays sûr (droit d'asile)." en gros, on va en parler avec nos amis européens, mais surtout pas de propositions ici.
L'écologie : tous deux ont signés le pacte de Nicolas Hulot (comme les autres), qu'ils ne respecteront probablement pas. Pour la justice, voir l'analyse experte de maitre Eolas, ...
Enfin je ne vais pas tous les faire, un article de l'Express avait très bien analysé ce manque de différence.

Très sincèrement, j'attend d'une opposition qu'elle sorte des querelles byzantines, et qu'elle incarne des valeurs : c'est à dire au moins qu'elle les assume, et ensuite qu'elle démontre sa différence.

Au plaisir de vous relire,

--
Frastealb

Anonyme a dit…

Pour revenir à la note de cadence-rompue :

A vrai dire oui, Bayrou n'incarne pas réellement le centrisme-révolutionnaire dont tu parles dans tes premiers paragraphes (et qui est celui aussi qui amène Jean-François Kahn à voter Bayrou), ce centrisme qui serait en fait la social-démocratie assumée tel qu'on la connaît dans d'autre pays. Bayrou évolue, du candidat "anti-système" qui lui a donné son élan ces dernières semaines, il se transforme en "Petit Chirac" pour asseoir sa crédibilité. Son Centrisme se réfère plus au radicalisme parfois attribué à Chirac. D'ailleurs avant-hier soir sur TF1, a peine le père eut-il finit de parler que le fils loua son discours. Lorsqu'en 1995, Chirac partant à la traîne fit de la fracture sociale (thème largement mordant à gauche) son cheval de bataille, il rattrapa Balladur .. Et Si Bayrou était finalement le Chirac de Sarkozy ?

Sur le clivage gauche/droite, je suis en parti d'accord avec ce que tu dis, en particulier que celui-ci évolue au cours de l'histoire. Mais que le clivage évolue, ne signifie pas qu'il doit s'estomper. A vrai dire au delà même des différences purement idéologique (qui subsiste), je ne suis pas tant attaché que ça au clivage, ce qui m'importe plus c'est que l'action politique tourne autour d'idées, de positionnements idéologiques et non de raisonnements rationnels "pragmatiques" qui feraient qu'il n'y à finalement qu'une bonne manière de gouverner. La technique se substituerait à la politique. En ce sens je serais plus sensible à un vrai clivage des partis politiques entre eux. Des partis politiques qui affirmeraient une idéologie forte, et la politique qui va avec et qui nous demanderaient de choisir, et donc de réfléchir .. Pourquoi pas même 4 grands partis politiques : Le socialisme, la social-démocratie, Le néo-gaullisme chrétien et le néo-buschisme réactionnaire .. Bayrou et l'UDF n'incarnent pas aujourd'hui de lignes idéologiques autres que celle de dire "n'adoptons pas de lignes idéologiques". Si on peut accuser le PS de porter en lui deux lignes idéologiques pas forcément (a-priori) 100% compatibles, il faut consentir que l'UDF n’a pas d’autre fil idéologique que l'opportunisme électoral. C’est à dire en quelque sorte le Chiraquisme.

Il est sûr qu'il y à une rente dans le clivage g/d, et que tous les politiciens de gauche comme de droite cherchent à user au maximum de cette rente (quoiqu'il ne me semble pas que Ségolène Royal soit dans ce petit jeu à gauche). C'est encore plus vrai dans les élections locales. Mais il y a aussi une rente à se revendiquer de l'anti-système, il y a aussi une rente à se revendiquer du ni-droite, ni-gauche et de cette rente là Bayrou use autant que le PS use la carte du clivage g/d.

Enfin quant à l'évolution du PS vers une social-démocratie libérée et sans tabous, je pense que S.Royal si elle est élue amènera forcément le PS sur ce terrain .. Elle a longtemps été une membre active du « Club Témoin » de Delors et doit sa carrière à Attali, qui est loin d'être un représentant de la gauche clivée à la droite. (Alors que DSK vient du CERES et du Jospinisme tout de même ...). Logiquement le vote bobo devrait aller tout droit vers Ségolène, mais il y à un "look" Bayrou (qu'elle ironie tout de même de revoter une seconde fois pour Chirac après 2002) et surtout une "haine" anti-Ségo ... (qui est en train d'être diversement analysée ... une composante étant le fait qu'elle chercher à parler aux couches populaires, et non à l'électorat plus aisés de la gauche)

Pour conclure, comme le dit DSK : "Si François Bayrou veut aller au bout de sa logique ... il doit rejoindre le Pacte Présidentiel de Ségolène Royal au deuxième tour"

Anonyme a dit…

oui enfin le pb "pragmatique" pour l'électeur c'est que les interprétations post-électorales sont parfois décevantes et qu'en plus il y a un certain temps écoulé jusqu'aux échéances suivantes qui n'est pas négligeable dans la vie de tous les jours.
Ainsi, après 2002, on aurait pu espérer une clarification de certains points au sein de la gauche en général, et du ps en particulier. Mais las ! la défaite a été interprétée, ce qui était sans doute vrai pour partie, comme un manque d'engagement à gauche. Bon très bien, mais était-ce tout ? On aurait pu espérer un travail de fond sur certaines questions : l'Europe déjà et en particulier si on cherche à promouvoir certaines idées socialistes au niveau européen un engagement clair des socialistes élus à ce parlement... (franchement décevante leur attitude). le libéralisme et/ou le social-libéralisme. Par rapport à une idéologie comme dit Sylvain, pourquoi pas, même si le mot idée suffit peut-être, mais quand même aussi par rapport à une faisabilité concrète, pour que l'électeur puisse bien se positionner.
Je n'ai pas l'impression que ce travail ait été franchement concluant, alors si SR passe qu'aurons nous réellement ? D'un autre côté, faut-il pour autant souhaiter la victoire de Bayrou ? Pas sûr non plus, car là aussi comment être sûr (même si le vote aux législatives permet de repréciser la couleur du parlement). Et puis si cette victoire est susceptible de créer une réflexion au sein du ps (et en particulier un positionnement par rapport aux deux points évoqués) ce n'est pas garanti, vu le passif à ce niveau. Et cinq ans de plus c'est long... Je ne suis pas sure que l'on puisse se permettre un immobilisme ou au contraire des choix risqués pendant encore 5 ans...

Anonyme a dit…

Et la définition de la démocratie chrétienne alors ?

Anonyme a dit…

Et la définition de la démocratie chrétienne alors ?

Anonyme a dit…

Je me garderais bien de commenter tout ça compte tenu de ma très faible connaissance du dossier, mais je m'interroge sur le peu de cas que font les médias en général du sondage suivant :
Bayrou serait donnée gagnant contre les deux autres candidats au second tour s'il devait y accéder.

C'est intéressant pourtant comme donnée non ?

--
Patrick

Anonyme a dit…

Billet fort intéressant. Je suis en désaccord avec le dernier parapraphe, mais il est révélateur de la difficulté que rencontrent tous les candidats démocrates depuis Jean Lecanuet.

Ils ont une ligne idéologique parfaitement construite et solide (valeurs de responsabilité, fraternité, égalité des chances, dignité humaine, etc.) que l'on retrouve aisément d'un bout à l'autre des propositions de François Bayrou (de la priorité aux PME au financement de la santé en passant par les intermittents du spectacle et les économies d'énergie, du service civique au vote blanc, etc.)

Mais

a) Cette vision de l'avenir de notre société, pour pertinente qu'elle soit, n'entre pas dans le filtre droite-gauche des médias, donc n'est pas communicable au "public" qui sera électeur ;

b) Cette vision se décline en quelque chose de communicable sur un point précis : la conception de la vie politique elle-même : refus des clivages artificiels, valorisation des collectivités locales, appel à la transparence et à la responsabilité personnelle de chaque élu (de préférence aux positions de façade et aux votes bloqués), etc.

Etre démocrate, c'est donc à la fois une ligne politique précise pour le pays (sur laquelle fonder un parti) et une conception de la vie politique (applicable aux rapports entre partis).

Et ça s'avère, élection après élection, compliqué à faire passer.

Anonyme a dit…

@ Fredericln : je vous suis sur un point : il y a un véritable courant idéologique derrière le candidat Bayrou, basé sur ce qui fait le fond de commerce de la démocracie chrétienne, au travers des valeurs que vous décrivez. Je pense néanmoins que le score de Bayrou dans les sondages n'est pas dû à la pénétration de ces valeurs dans l'électorat mais à un positionnement plus conjoncturel - positionnement crédibilisé par le positionnement progressif du personnage.

Je vois néanmoins une objectionb à mon propre raisonnement : cela n'est-il pas le cas pour tous les candidats ? après tout, tant SR que NS bénéficient en grande partie de comportements rentiers (je suis à gauche donc je vote PS, je suis à droite donc je vote UMP) sans pour autant susciter chez tous leurs électeurs une véritable adhésion idéologique...

Anonyme a dit…

@ Cadence-rompue : c'était en tout cas une interrogation légitime pour François Bayrou, compte tenu du caractère très général de son message central au cours de cette campagne (dépasser les clivages ...).

Mais les sondages post-1er tour montrent que les motivations et la carte du vote Bayrou correspondent de près aux lignes de force de son projet, ou disons de son idéologie. Si ce n'est pas toujours passé à travers les propositions les plus médiatisées, c'est passé à travers la personne elle-même.

http://demsf.free.fr/B1935116114/C1875620432/E20070424165241/index.html

Anonyme a dit…

PS - quand vous écrivez "ce qui fait le fond de commerce de la démocracie chrétienne, au travers des valeurs que vous décrivez", je suis tout à fait d'accord, à condition d'ajouter que ce sont aussi les valeur de la démocratie laïque, par exemple de ce que fut il y a bien longtemps le "radicalisme". Peut-être le côté Chirac de Bayrou !